C’est la saison des lavandes !! si vous vous promenez en Provence, peut-être aurez-vous la chance, si elles n’ont pas déjà été coupées, de voir des champs en dégradés de bleus et violets. 💙 

Et si vous vous promenez aux alentours de distilleries, votre nez ne pourra pas manquer cette odeur si spécifique, agreste et pourtant si douce de notre chère lavande. Pour célébrer cette grande dame, je vous offre le chapitre dédié à la lavande de « la vie est un parfum, respirez-la », roman initiatique et parfumé 💜

Le prix a baissé, il est passé de 30€ à 23€, suite à une rupture avec mon éditeur. Profitez-en, c’est l’été ! 🏖️

La vie est un parfum, respirez-la!

2004 – La lavande –Séance labo


Louise vient de faire sentir une huile essentielle à Maïa. La lavande. Cette dernière s’est écriée dans une vilaine moue:

– Ça pue…

Fronçant les sourcils d’un air très dur et laissant soudainement le tutoiement pour un vouvoiement glacial et sentencieux, Louise s’exprime:

– Ma petite, vous avez le droit de ne pas aimer, mais je vous interdis de dire que ça pue. Vous venez d’insulter la lavande, et vous n’avez pas la moindre petite idée de ce qu’elle est. Alors ouvrez grand vos oreilles…

La lavande est la signature olfactive de notre pays, et plus particulièrement, de cette belle région qu’est la Provence, et dont les versants couverts de bleu à la chaude saison sont d’une beauté que rien n’égale.

Dès le début du XVIIIème siècle, les villages du pied sud de la Montagne de Lure voient se développer une corporation nouvelle: les “droguistes”. Ce sont des récolteurs de plantes médicinales, plus ou moins fabricants de remèdes, produits dont ils se font les colporteurs dans une grande partie de la France et même à l’étranger. Plusieurs feront fortune et s’installeront ailleurs, jusqu’outre Atlantique.

A partir du XIXème siècle, Grasse détient le monopole mondial du commerce de lavande, avec une récolte annuelle de l’ordre de 80 tonnes d’essence. L’aire de production s’étend alors de la Drôme et du sud des Hautes Alpes aux pré-Alpes de Digne, du Vaucluse oriental aux Pré-Alpes de Nice. En même temps, Louise déroule une carte de France, et montre les zones avec un bâton. Ses lunettes loupes lui donnent un air sévère de vieille institutrice qui fait sourire Maïa. Cette essence est exclusivement extraite de la fleur sauvage, directement apportée par les villageois à Grasse ou traitée sur place par ses agents dans des postes de distillation, poursuit-elle.

Alors vous entendre dire que “ça pue”, c’est une insulte à l’histoire de notre pays, et à cette merveilleuse plante que je ne saurais tolérer.

En 1920, 90% de l’essence est fournie par la fleur sauvage et 10% par la fleur de plantation. Vers 1959, c’est 90% de l’essence qui provient de la plantation et 10 % de la lavande spontanée. Mais la lavande de culture se comporte différemment de la lavande sauvage et rustique. En culture intensive, séparée de son biotope naturel, elle est plus fragile et sujette à des maladies, problématique que l’on retrouve dans toute l’agriculture intensive… Il existe plusieurs types de lavandes. Jusqu’à six cents mètres d’altitude, on trouve la lavande aspic, lavandula latifolia, aux larges feuilles. À partir de sept cents mètres, on trouve la lavande fine, lavandula angustifolia, la plus prisée des parfumeurs de Grasse, en particulier celle des versants du Haut Verdon.

Le lavandin est un hybride (donc qui ne se reproduit pas), que l’on trouve à l’état naturel sur les hauteurs où cohabitent latifolia et angustifolia. Les clones de lavandin mis en culture offrent des capacités de production et des rendements plus élevés, mais leur parfum est beaucoup moins subtil. Celle que vous sentez ce soir, Mademoiselle, est d’une qualité exceptionnelle. Alors par pitié… Sentez-là, ressentez-là et apprivoisez-là!

Maïa, un peu honteuse, approche alors son nez de la touche. Son côté agreste qui la dérangeait au début s’est estompé, au profit d’une enveloppe plus ronde, plus généreuse et plus verte. Elle a quelque chose de réconfortant et de réchauffant. Elle commence à la trouver agréable. Elle entre par le Cœur, puis s’étend dans une chaleur douce et diffuse. Lavande vient du latin Lavare qui signifie laver. Et en effet, elle lave, nettoie désinfecte et cicatrise les blessures au sens propre comme au sens figuré. C’est l’huile essentielle à avoir dans sa trousse à pharmacie. Ampoules, brûlures, piqûres, elle est là pour tout.

– Outre les differences de senteurs, comme je vous le disais, (Louise continue dans le vouvoiement) les cultures ont engendré des problématiques liées à la maladie, et notamment le dépérissement.

L’union pour la défense de la lavande et du lavandin (UDELAV), fut créée en octobre 1958. Pour contrecarrer les fluctuations des cours, celle-ci stockait, soumise à un organisme de contrôle indépendant, lorsque les cours étaient au plus bas, contribuant ainsi à les faire remonter.

– Ah oui c’est ce que font les traders en denrées alimentaires…

– NON ! ! ! ! les traders en denrées alimentaires influent sur les cours dans une logique uniquement spéculative. Cela ne devrait pas être rendu possible par le système, et malheureusement ça l’est… Dans notre cas, c’est un organisme indépendant à but non lucratif qui autorise la régulation, et cela se fait dans l’intérêt des agriculteurs, pas d’une économie spéculative déconnectée de la réalité…

En 1983, l’ONIPPAM est créé, l’Office National Interprofessionnel des Plantes à Parfum, Aromatiques et Médicinales. Et au même moment, la lavande fine de Haute-Provence obtient le label AOC (Appellation d’Origine Contrôlée).

La France est le premier producteur mondial d’huiles essentielles de lavande et de lavandin. La lavande et le lavandin sont les premières productions nationales de plantes à parfums, aromatiques et médicinales.

Cette lavande que vous sentez ce soir est une lavande sauvage, cueillie dans la montagne de Lure, au Cœur du Luberon. Ressentez la tête, et joignant le geste à la parole, elle lui tend une touche fraichement imprégnée. Elle a une odeur de banane verte. Elle est ronde et accueillante, souple et apaisante.

Maïa ferme les yeux à présent. Et elle se laisse apprivoiser. Deux bras maternels l’enveloppent et viennent faire un câlin à la petite fille qui est en elle, calmant l’impatience de l’enfant qui trépigne et s’énerve, au profit d’un doux partage au présent. L’image d’une main douce et rassurante qui vient éliminer le trop plein d’eau pour stopper le débordement, l’eau étant associée ici aux émotions.

Elle est loin de se douter de l’importance que va prendre dans sa vie le cours magistral qu’elle vient de recevoir… C’est qu’elle n’a pas encore compris qu’il n’y avait pas de hasard.